
Ricochets raconte le voyage dans ce qu’il a de plus humain : ceux qui l’inventent, le vivent et le réinventent, jour après jour, sur le terrain.

Serengeti Big Cats Safaris : La Tanzanie au rythme du cœur
À Arusha, au pied du Kilimandjaro, Cécile a trouvé bien plus qu’un métier : une vocation. Spécialiste des safaris en Afrique depuis la France, elle débarque un jour en Tanzanie pour un simple voyage de repérage. “Le pays m’a saisie au cœur, immédiatement,” confie-t-elle. Quelques mois plus tard, elle quitte tout et répond à une annonce pour une agence de safaris. Un an, pensait-elle. Dix-huit ans plus tard, elle est toujours là. Entre-temps, elle rencontre Freddy, son futur associé, un Tanzanien qui connaît chaque piste, chaque village, chaque nuance du territoire. Ensemble, ils créent Serengeti Big Cats Safaris en 2009 et, deux ans plus tard, l’orphelinat Tumaini — “espoir” en swahili, un nom qui résume tout leur projet.
Un souvenir la marque à jamais : “Je revois ces enfants de l’école de Rhotia utiliser pour la première fois la pompe que nous avions co-financée grâce à nos voyageurs. Ils riaient, s’éclaboussaient, incrédules devant cette eau claire qui coulait enfin tout près de chez eux. C’est ce jour-là que j’ai compris pourquoi je fais ce métier.” Depuis, chaque safari nourrit cette boucle vertueuse : un voyage en Tanzanie, et derrière, une école rénovée, un château d’eau pour améliorer l’hygiène et le fonctionnement de l’école, des études financées, des destins bouleversés.
Tumaini reste volontairement petit : six enfants, “pour pouvoir bien les suivre.” Cécile aime rappeler que tout cela s’est construit sans plan préétabli. “Au début, on prélevait 10 dollars sur chaque voyage pour faire tourner l’orphelinat. Puis on est passés à 20. Avec 2 000 voyageurs par an, cela représente près de 40 000 dollars reversés à des projets concrets.” Comme le parrainage d’Asia, une écolière de Rhotia qui a pu poursuivre ses études en comptabilité et travaille aujourd’hui au bureau de Serengeti Big Cats Safaris.
Chez Serengeti Big Cats Safaris, les voyages ne s’arrêtent jamais aux frontières du tourisme – ils se prolongent dans des vies transformées.
C’est aussi à Pemba qu’elle découvre une ONG qui paye les pêcheurs deux fois plus cher s’ils renoncent à la pêche destructrice, recycle le plastique collecté par les villageois eux-mêmes que l'ONG rémunère pour construire des écoles et distribue des micro-crédits pour lancer de petits commerces. “Quand j’ai vu ça, j’ai décidé de reverser une partie de nos fonds à ce projet. Ce sont ces initiatives locales qui changent un territoire.”
À côté de cela, Serengeti Big Cats Safaris a inventé ses propres expériences : un trek de trois jours au cœur des terres Maasaï, à pied, avec tentes, ânes et nuits sous un ciel de milliards d’étoiles ; des immersions dans des villages où l’on partage les repas et les récits autour du feu. “Un soir, un patriarche racontait comment, dans sa jeunesse, il avait affronté un lion pour protéger son troupeau. Ces instants valent tous les lodges de luxe du monde.”
L’agence ne se contente pas de safaris. Elle forme aussi. Dans leur garage, des mécaniciens chevronnés, guidés par le regard bienveillant de Freddy, transmettent leur savoir à des jeunes en quête de repères, dont certains finissent par intégrer l’équipe. “Notre agence, c’est une famille. Quand un de nos cuisiniers est décédé dans un accident de vélo, on a pris en charge les études de ses deux enfants. Quand la fille d'un de nos guides a eu un cancer, nous avons payé ses soins au Kenya. Ici, on ne laisse personne derrière.”
Pendant le Covid, alors que beaucoup licenciaient, Cécile rentre en France pour réduire ses charges liées à la scolarité de ses enfants, et ainsi préserver les salaires de son équipe. “Ce n’était pas un sacrifice,” dit-elle. “Juste une évidence.” Les employés créent une cagnotte mensuelle en cas de coup dur sur l'un d'entre eux pour contribuer. “La solidarité tanzanienne dans toute sa splendeur.”


Pour Cécile, le “bon voyage” n’est pas celui où l’on coche les Big Five. “C’est celui où l’on repart changé. Nos guides le savent : un thé partagé, une discussion sur la vie locale, ça touche plus qu’un lion photographié de trop près.” Elle raconte ce couple venu pour sa lune de miel, qui a passé une journée à l’orphelinat. Deux ans plus tard, ils reviennent, bébé dans les bras, pour le présenter aux enfants. Ses anecdotes animales aussi sont des histoires de cœur : ce léopard croisé à deux mètres de sa tente, cette lionne et ses petits dans un silence sacré, ou ces gorilles au Rwanda dont “le regard nous rappelle que nous sommes tous liés.”
L’avenir ? Elle espère que la Tanzanie garde son âme : “Le pays vise cinq millions de touristes d’ici 2030. Si on ne répartit pas mieux les flux, on risque de perdre ce qui le rend unique.” Alors elle milite pour Mafia, Pemba et les régions oubliées.
Ce qu’elle préfère ? Quand un voyageur repart en murmurant : “C’était le voyage de ma vie.” Parce que derrière ce voyage, il y a des enfants qui mangent à leur faim, des écoles qui respirent, et ces pistes rouges où les rires des gamins se mêlent au vent de la savane.

Sa Tanzanie, c’est celle-là : brute, humaine, infiniment généreuse. Un pays qui ne se traverse pas. Un pays qui s’adopte, qui s’imprime dans l’âme, et qui, comme elle le dit, “vous rappelle simplement ce qui compte vraiment.”

